21 octobre 2012

Attention, fauve aux abois

Dimanche après-midi. Rien à faire sauf peut-être regarder la pluie. Voilà sans doute le bon timing pour parler de ma dernière lecture, une espèce de bombe qui hésite toujours entre malaises et émotions, mais qui ne peut laisser indifférent. Pourquoi? parce que Tigre, Tigre !  de Margaux Fragoso, l'un des diamants bruts de cette rentrée littéraire, évoque tout au long de ces 402 pages la relation que l'écrivain a eu dès ses 7 ans et pendant 15 ans avec un homme, un vieux. Un pédophile pour mieux le nommer.

Je pense à cet instant avoir perdu des lecteurs. Vous auriez tort. Car il ne s'agit en rien d'un livre cru, ou racoleur sur le malheur de cette petite fille. Un de plus dont on se passerait bien.
Mais plutôt d'une vision lucide et d'un récit très fort et subtil à la fois par les yeux de celle qui a été embrigadée dans cette histoire. Une Lolita, écrite cette fois par la gamine.Qui s'en est sortie, la preuve.

Margaux, fruit du mariage bancal d'un macho violent et d'une mère dépendante aux hôpitaux psy, a donc 7 ans quand elle rencontre à la piscine de son quartier Peter, un homme dans la fleur de l'âge (51 ans). Un homme à l'âme d'enfant, selon l'auteur, et à la force tranquille. Rassurant. D'ailleurs pourquoi s'en méfier? Au foyer, il héberge avec sa compagne plusieurs enfants placés, a toujours le mot qu'il faut pour réconforter ses semblables, et semble apporter plus de soins à son chien Papattes qu'à de sombres vices.
Pourtant, Peter ne va pas bien. Lui même abusé dans son enfance, il ne parvient pas a envisager autre chose qu'une relation amoureuse avec cette fillette (et donc aussi sexuelle), qui se poursuivra sur des années. Histoire d'une manipulation auquel il parvient lui-même à croire, Margaux deviendra comme sa fille, puis sa femme, lien dont il ne parviendra pas à se sevrer, enchainant jalousie, éloignement et retours, estime aussi.

Oui l'histoire est terrible, et sans doute à aborder entre deux romans plus légers, j'en conviens. Mais je n'ai pas trouvé de trash comme j'en avais peur à l'achat du livre. Sans doute parce que pour une fois, une personne ose y détailler tout ce qui se joue dans cette triste histoire : la souffrance, le manque de stabilité, la dépendance, ainsi que la part jouée par l'entourage qui ne sait, au fond, pas réagir.

Bref, du rugueux, du vécu, écrit avec des mots choisis et humains.
Du bon roman.

PS : promis je reviens avec du gros gag, pour ne plus plomber l'ambiance!

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