Il y a quelques jours, j'ai publié un billet sur l'admiration que j'avais pour Florence Aubenas. J'avais acheté son dernier bouquin, Le Quai de Ouistreham, dont je dégustais chaque mot posé sur le papier avec soin, gonflée d'un sentiment de satisfaction concernant ces journalistes qui vont encore sur le terrain.
Et je pense avoir fait une erreur.
Comme quand on aime un cinéaste, et qu'on est sûr que sa dernière création sera forcément "de la boulette" avant même d'acheter son ticket de ciné.
Depuis, j'ai posé mes lunettes 3D, j'ai regardé plus clairement le contenu, j'ai écouté d'autres points de vue, et, traitez moi d'Eric Besson de la blogosphère si vous le souhaitez (heu non finalement...), mais mon avis a changé. Du moins il s'est nuancé.
Voilà ce que j'en retiens.
J'ai aimé, et je continue :
L'art de l'auteure à manier les mots. Ses descriptions, son style simple et sans fioriture. Des mots de tous les jours choisis avec soin qui brossent un tableau sans prétention. Ce n'est pas de la littérature, mais du reportage en noir sur blanc.
J'ai également apprécié son interêt pour les rencontres, ses discussions avec les vieux de la vieille de la lutte ouvrière sur Caen. On y sent tout le poids d'un passé engagé et le dynamisme d'une quête pour une vie digne. Cela passe bien, intéresse.
Son engagement à corps perdu dans ses sujets.
Je n'ai rien contre :
Le fait que Florence Aubenas écrive sur la précarité alors qu'elle a probablement les moyens de se payer des draps de satins et des vacances à l'ile Maurice avec son statut (ou avec qui elle veut). Je le dis parce que apparemment cela choque du monde qu'une personne aisée se penche sur ce sujet, prenne congé de son quotidien pour aller gouter la vie de gens qui connaissent le sens du mot trimer. Indécence ai-je entendu, arrogance ou encore mépris. Et je n'arrive pas à l'envisager comme tel. La cruelle réalité, c'est que la plupart des reporters, des gens qui rendent compte dans les médias sont tout de même des privilégiés qui ont pu faire des étude, eu accès à une culture générale. Ce n'est pas une obligation, mais c'est souvent le cas. Mais si la quête est sincère, l'envie d'informer au dessus du reste, alors je suis même plutôt heureuse de savoir que certains font le choix de se priver, parfois, plus ou moins longtemps, pour rendre des comptes et nous sortir des docu ou des livres. La façon de s'infiltrer (et de mentir aussi) est discutable certes. Mais Florence Aubenas a montré par le passé que son engagement ne répondais pas à du zèle. Je lui laisse donc le bénéfice du doute sur cette affaire.
Je n'ai pas aimé :
Les raccourcis : des phrases, des détails dont je n'ai pas compris l'utilité, si ce n'est pour appuyer un sentiment de "misère" de la tranche observée. Du lieu aussi. En braquant son oeil sur le monde précaire d'une région comme une autre, "ville moyenne, population moyenne", FA a parfois grossi le trait à tel point que cela peut sembler caricatural. Elle n'a pas brodé sur la dureté des emplois précaires, non. Mais elle a parfois fait le choix d'une description au détriment d'une autre, pour plus d'impact, de choc. Et cela a intoxiqué peu à peu ma lecture. Ainsi Caen et Ouistreham ne sont décrites que sous leurs jours gris, ou étouffants. Il fait nuit, il pleut, il n'y a rien à faire. La réalité est nettement plus contrastée, plus animée aussi, toutes catégories socio-professionnelles confondues(selon un ami bien de là-bas!)
Quant aux travailleurs précaires, ils sont parfois, et par petites touches, affublés de détails, pas franchement utiles mais qui soulignent maladroitement un manque de finesse de leur part : un t-shirt bienvenue chez les ch'tis, la ballade détente au supermarché plutôt que dans un parc (ça bouge on voit du monde, c'est the place to be!) le gout pour les chansons populaires, un maquillage grossier... là également, si je ne pense pas que ce soit inventé, je soupçonne le détail utilisé au détriment d'un autre pour marquer le lecteur. La précarité ça craint vraiment. Et c'est peut-être le soucis. Nous n'en avions aucun doute.
Je voulais lire un récit sur la vraie vie des précaires. J'en ai appris un peu plus que nécessaire.
Il y a 7 ans
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